Publié le 20 octobre 2025, le premier baromètre national de la fondation Analgesia dresse un constat préoccupant : près d’un Français sur deux serait touché par des douleurs chroniques. L’étude, dévoilée par franceinfo à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre la douleur, met en évidence une prévalence record et des inégalités persistantes dans la prise en charge. Ces chiffres interrogent sur la capacité du système de santé à répondre à un phénomène aux répercussions physiques, psychologiques et sociales considérables.
Des douleurs chroniques omniprésentes dans la population française
Selon le baromètre Analgesia relayé par franceinfo, 42 % des adultes déclarent souffrir de douleurs chroniques. Cela représente environ 23 millions de personnes, une proportion en hausse par rapport aux estimations de 2008, où un tiers des Français se disait concerné. Ces douleurs persistantes, souvent installées depuis plus de trois mois, touchent toutes les tranches d’âge et tous les milieux sociaux, traduisant un enjeu majeur de santé publique. Les résultats du baromètre soulignent également la diversité des symptômes : 36 % des patients évoquent des douleurs musculosquelettiques, 33 % des douleurs orofaciales, 15 % des douleurs abdominales et 12 % des douleurs neuropathiques.
La moitié des personnes concernées évaluent leur douleur à plus de 6 sur 10 sur l’échelle d’intensité, selon RTL. Au-delà des chiffres, les témoignages recueillis illustrent la complexité de cette pathologie. « Vivre avec une douleur chronique, c’est avancer chaque jour avec un fardeau invisible », confie Audrey Aronica, présidente de l’Association française de lutte contre les douleurs (AFVD), citée par Destination Santé. Derrière cette phrase, une réalité : les douleurs chroniques altèrent la qualité de vie, perturbent le sommeil et limitent les activités quotidiennes, souvent sans reconnaissance médicale suffisante.
Une prise en charge encore inégale malgré les alertes du monde médical
Pour le Pr Nicolas Authier, président de la fondation Analgesia, « ces nouveaux chiffres appellent à un plan d’action immédiat pour garantir un accès équitable aux soins et structurer un parcours de santé plus efficace sur l’ensemble du territoire national ». Cette déclaration, rapportée par Charente Libre, traduit l’inquiétude du corps médical face à la lenteur des politiques de prévention et de traitement. En effet, seul un tiers des patients se déclare satisfait de sa prise en charge, selon PourquoiDocteur. Faute de solutions adaptées, 87 % d’entre eux se tournent vers l’automédication, un recours parfois risqué, en particulier chez les personnes âgées. Les douleurs chroniques, par nature complexes et multifactorielles, nécessitent pourtant une approche pluridisciplinaire associant médecins, kinésithérapeutes, psychologues et spécialistes de la douleur.
Le baromètre souligne aussi des inégalités régionales d’accès aux structures spécialisées. En France, seulement 300 centres de la douleur sont recensés, concentrés pour la plupart dans les grandes villes universitaires. De nombreux patients des zones rurales se retrouvent sur liste d’attente ou sans accompagnement adapté. Ce manque de ressources contribue à un sentiment d’abandon, souvent exprimé dans les enquêtes de satisfaction. Malgré la reconnaissance officielle de la douleur chronique comme maladie à part entière depuis 2019, les progrès concrets restent limités.
Un enjeu de santé publique majeur pour les années à venir
Les douleurs chroniques ne se résument pas à un symptôme individuel : elles constituent un véritable défi économique et sociétal. Selon Destination Santé, 36 % des personnes concernées présentent un handicap fonctionnel modéré à sévère, impactant directement leur activité professionnelle. L’absentéisme, la perte de productivité et les arrêts de travail prolongés représentent un coût considérable pour le système de santé et pour les entreprises. Les associations de patients réclament depuis plusieurs années la mise en œuvre d’un plan national de lutte contre la douleur, abandonné depuis 2019. Ce programme visait à améliorer la formation des soignants et à développer des consultations pluridisciplinaires dans chaque région. Les experts appellent aujourd’hui à sa relance, estimant que la douleur chronique est « le parent pauvre de la médecine moderne », selon les mots du Pr Authier.
Dans un contexte où la souffrance invisible progresse, la France apparaît en retard sur ses voisins européens. Le Royaume-Uni ou la Suède ont déjà intégré la prise en charge de la douleur dans leurs stratégies de santé publique. L’enjeu, pour les années à venir, sera de mieux identifier, mesurer et accompagner ces douleurs persistantes. Pour les chercheurs, les progrès de la neuroscience de la douleur et de la médecine personnalisée offrent des perspectives prometteuses : cartographier les circuits neuronaux impliqués, anticiper la chronicisation et développer des traitements ciblés. Mais pour l’heure, les chiffres publiés ce 20 octobre 2025 par la fondation Analgesia rappellent une évidence : la douleur chronique reste l’un des grands défis de la santé du XXIᵉ siècle.







