Transition numérique oblige, le secteur du recrutement évolue pour s’adapter aux jeunes générations. Pour capter l’intérêt des millenials, les entreprises multiplient les challenges d’open innovation.
Alors que le chômage baisse lentement en France, certains métiers sont particulièrement sous tension, notamment dans l’artisanat, l’ingénierie et le numérique. Pour les recruteurs, les méthodes traditionnelles, qui consistaient principalement à publier leurs offres d’emploi sur les jobboards (portails d’offres d’emploi), ne suffisent plus pour compléter leurs équipes. S’ils veulent identifier et attirer les jeunes talents, il leur faut désormais les rejoindre sur leur terrain favori, à savoir les plateformes numériques, et se concentrer sur leurs centres d’intérêt. Cible connectée et volatile, les générations Y et surtout Z, évolue dans un environnement professionnel qui s’est beaucoup transformé dans la dernière décennie. En 2020, les candidats potentiels, quelle que soit leur expérience et leur âge, ne recherchent pas seulement une entreprise solide, un CDI, un salaire confortable, mais aussi et surtout du sens à leur travail et des conditions plus souples pour l’exercer, comme le résument les acronymes BYOD (« Bring Your Own Device ») et ATAWAD (« Any Time, Any Where, Any Device »). Cette évolution du recrutement commence donc dès le « sourcing », qui ne s’opère plus seulement sur les sites dédiés au marché du travail, mais aussi sur les réseaux sociaux préférés des millenials (Snapchat, Instagram, YouTube, Twitter, Facebook, etc.). Elle se poursuit dans l’échange avec les candidats, avec des méthodes très éloignées du classique entretien d’embauche…
Pour convaincre les techniciens et ingénieurs de les rejoindre, les entreprises déploient désormais des trésors d’innovation, à l’image du Groupe Vinci. Le géant français de la construction a lancé un challenge original intitulé « The Trail by Vinci Construction » à destination des étudiants du monde entier. Par équipe de quatre, les participants doivent élaborer un projet parmi les trois thématiques proposées sur la plateforme d’open innovation Agorize. Les meilleures solutions sont retenues pour des demi-finales régionales, puis pour la finale mondiale à Paris, où les équipes sont invitées pour « pitcher » leur projet comme le ferait une vraie start-up. Accompagnés par des parrains internes à Vinci et des coachs extérieurs, les finalistes s’affrontent également dans une épreuve sportive pour partager une expérience marquante, à laquelle ils associeront l’entreprise. « Non seulement cet événement crée du lien, mais il permet aux futurs diplômés de s’immerger dans la culture et les valeurs du groupe tout en appréhendant concrètement nos métiers, analyse Claire Schnoering, directrice talent, learning et HRSI chez Vinci Construction. Heureux de vivre cette expérience, ils partagent ainsi spontanément leurs photos, leurs émotions sur les réseaux sociaux. Cette démarche virale valorise notre marque employeur et nous fait gagner en proximité. » À tel point que la multinationale a poussé l’exercice encore plus loin avec son Graduate program, « La Coaching Team », qui permet à 30 nouvelles recrues de talent de suivre un programme de formation de 30 mois sur mesure pour monter en compétence.
Comme Vinci, EDF mise également sur l’open innovation pour séduire ses futures recrues. Sur sa plateforme Pulse & You, l’énergéticien a proposé en 2019 aux jeunes diplômés un challenge baptisé Le job de mes rêves. S’inspirant du concept de « gamification », les participants pouvaient y décrire leur emploi idéal, commenter et liker ceux des autres pour gagner un maximum de points. Une fois le nombre de points suffisant cumulé, les participants recevaient par mail une offre d’emploi correspondant à leurs attentes. Une manière d’inverser le processus de recrutement : c’est le recruteur qui proposait ainsi un poste adapté au profil du candidat. « Côté candidats, la mécanique est à la fois simple et décontractée. 100 % en ligne et collaborative, elle a tout pour séduire les générations Y et Z, du bac pro au bac+5 », estime Hélène Bauduin, responsable du pôle mobilité et recrutement au sein d’EDF. « Côté EDF, ce dispositif d’open innovation répond à trois enjeux : s’adresser à nos futurs collaborateurs autrement ; redonner au secteur de l’énergie toute son attractivité ; et incarner l’innovation. » explique Christophe Carval, directeur des ressources humaines. Fort de son succès, le dispositif sera renouvelé dans le courant de l’année 2020, avec pour objectif d’encourager la féminisation des métiers techniques.
Au-delà du recrutement, ces démarches ont aussi pour but de servir la marque employeur et de mieux connaître les aspirations des jeunes générations. « En décrivant le job de leurs rêves, non seulement les jeunes nous prouvent leur motivation et nous incitent à les rencontrer, mais ils nous transmettent aussi des données précieuses sur leurs attentes, leur rapport à la vie active et leur vision », confirme Hélène Bauduin.
« Aujourd’hui, nous souhaitons nous démarquer des autres employeurs potentiels pour attirer les talents qui correspondent aux valeurs de notre entreprise, ajoute Claire Schnoering de Vinci Construction. Il s’agit de créer, dès les toutes premières phases de recrutement, une relation durable avec les candidats, puis par la suite avec les futurs collaborateurs. » Et cela semble marcher : entre 2015 et 2019, l’entreprise est passée de 19 000 à 180 000 abonnés sur LinkedIn, se réjouit Claire Schnoering. De quoi inciter d’autres grands groupes à adopter cette démarche d’open innovation et de co-création, à l’image d’Allianz, de La Poste, de Groupama ou encore de Schneider Electric. Sur les 320 challenges proposés sur la plateforme d’innovation en ligne Agorize entre 2017 et 2019, 9 nouveaux collaborateurs en moyenne ont été embauchés.