Les actions philanthropiques internes au continent africain se sont particulièrement développées ces dernières décennies, à l’exemple de l’action de Tony Elumelu ou d’Aliko Dangote au Nigeria, et les grands conglomérats congolais ne sont pas en reste. Plusieurs entreprises congolaises historiques s’investissent pour les communautés avec lesquelles elles cohabitent. Ces modèles d’engagement local sont portés par des entrepreneurs dont l’action pourrait être amplifiée par les autorités, incitant de nouveaux acteurs à s’en inspirer.
Un tournant de la philanthropie
On assiste à un tournant de la philanthropie entrepreneuriale classique. Celle-ci s’inscrivait jusqu’alors dans une approche caritative, avec la fourniture de matériel logistique, de livres ou de matériel de santé. Désormais, selon Grégorie Muhr, experte en philanthropie chez UBS, les philanthropes « mettent en pratique leurs compétences en matière de business, s’éloignant de la charité classique au sein de leur communauté, et s’engagent dans une philanthropie plus stratégique ».
Cette évolution s’incarne par un ciblage des secteurs économiques à fort potentiel, visant à faire émerger les entrepreneurs de demain. En cela, la philanthropie façonne le futur des économies africaines. Comme l’évoque la directrice exécutive du groupe Global Fund for Community Foundations Jenny Hodgson, « la philanthropie peut être un mécanisme extrêmement efficace pour favoriser et tester de nouvelles idées, influencer le discours politique et transférer des ressources à des groupes locaux ».
Au Congo, des acteurs engagés pour leurs communautés
Les autorités congolaises ont tout intérêt à veiller à leur collaboration avec leurs partenaires privés, afin d’encourager les entreprises contribuant au développement des infrastructures et services de base. Et les exemples ne manquent pas.
L’action du Groupe Forrest International, présidé par George Forrest, est particulièrement représentative de cette tendance. Présent depuis 1922 au Congo, le Groupe s’est toujours attaché à préserver son ancrage avec les communautés locales. Le Groupe Forrest a fait évoluer la forme de ses actions philanthropiques à travers la Fondation Rachel Forrest, qui coordonne des projets d’intérêt social bénéficiant aux communautés avec lesquelles l’entreprise cohabite. La Fondation a attribué plus de 16 millions de dollars à ses projets entre 2007 et 2018. Le Groupe favorise ainsi des initiatives dans l’agriculture, l’éducation et la santé, afin de permettre un développement à long terme de ces secteurs indépendamment de ses aides. Cet engagement se fait en parallèle d’actions plus classiques de dons de livres ou de médicaments.
La Fondation Rachel Forrest s’est notamment engagée en mars 2022 dans le transfert de compétences, avec le partenariat du centre médical CMC, développé par le Groupe Forrest à Lubumbashi, l’Université de Lubumbashi et l’hôpital de Panzi, afin de former des futurs cadres de santé qui devront progressivement investir le désert médical du Katanga.
Cet engagement témoigne d’une dynamique bien présente au Congo. Comme l’évoque Wutibaal Kumaba Mbuta, avocat au barreau de Paris, plusieurs entreprises ont suivi le même chemin : « D’autres entreprises bien implantées dans le pays, comme La minoterie de Matadi (Midema), une société agricole de la province du Kongo Central spécialisée dans la production de la farine de froment et engagée contre la fraude et la contrebande, participent de ce mouvement d’essor économique et de responsabilisation accrue des partenaires privés. ».
Dans une dynamique d’engagement local similaire, l’entrepreneure Marcelline Budza a fondé l’ONG Rebuild Women’s Hope à Bukavu (Sud-Kivu). Cette organisation développe l’autonomie financière des femmes de la région, en les engageant au sein d’une coopérative de café sur l’île d’Idjwi. Entre autres bienfaits, cet emploi leur permet de développer leur propre activité ou de financer les études de leurs enfants.
Il apparait primordial pour les autorités congolaises de soutenir ces initiatives qui engagent un cercle vertueux pour les entreprises comme pour les communautés qui les accompagnent. Ce, d’autant plus dans la période actuelle, alors que de nombreux contrats déséquilibrés, signés durant les périodes de conflit successives, ont été mis au jour. En menant une politique volontariste de soutien aux entreprises responsables, l’État congolais favoriserait les bonnes pratiques entrepreneuriales et l’engagement local au Congo.
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