Protection des enfants sur Internet : les FAI sont-ils de mauvaise volonté ?

FAI Internet enfants
  • Publié le: mercredi 14 mars 2018
L’exposition des enfants et adolescents à des contenus pornographiques sur Internet est devenue un phénomène de masse. Malgré les terribles conséquences que cela peut avoir, les fournisseurs d’accès Internet ne se décident toujours pas à intervenir. Et ce alors qu’ils en ont les moyens.
 
Les mineurs sont de plus en plus exposés à la pornographie sur Internet. C’est le principal enseignement d’un sondage IFOP révélé par Le Figaro, en mars 2017. On y apprend en effet qu’un enfant sur sept a vu son premier film X à 11-12 ans, si ce n’est plus jeune. Toujours d’après les résultats du sondage, un mineur sur trois a fait cette expérience à l’âge de 13 ou 14 ans et la moitié des adolescents de 15 à 17 ans (51 %) indiquent avoir déjà surfé sur des sites pornographiques en 2017, contre 37 % en 2013, soit un bond de 14 %. Autre progression inquiétante, le nombre de filles ayant visionné ce type de vidéo est passé de 18 % fin 2013 à 37 % début 2017.
 
Des chiffres certes alarmants, mais pas vraiment surprenants. « Ce sondage ne nous étonne pas », regrette Gordon Choisel, président de l’association Ennocence qui lutte contre l’exposition non voulue des enfants à la pornographie en ligne. « Nous avions sorti un sondage en novembre, qui montrait que moins d’un parent sur deux surveille ce que font leurs enfants sur Internet », ajoute-t-il.
 
Créée en 2015, l’association Ennocence se mobilise principalement contre les risques d’exposition à la pornographie sur les sites de téléchargement et de streaming illégaux. Ces derniers, qui attirent de nombreux enfants et adolescents chaque jour, « se financent grâce à des réseaux de régies publicitaires agressives et illégales qui diffusent des contenus pornographiques, de paris en ligne… Un vrai danger pour les enfants », prévient l’association, qui regrette également qu’aucune liste noire n’ait été constituée par le gouvernement, alors que cela permettrait aux fournisseurs d’accès à Internet (FAI) de prendre des mesures de protection.
 

Porno « sans limites en un seul clic »

 
Et bien sûr, cela n’empêcherait pas de poursuivre la lutte contre les sites proprement pornographiques qui ne respectent pas la loi. Selon Ovidie, ancienne actrice et réalisatrice de films pornos à destination des femmes, les « tubes », ces plateformes gratuites de diffusion de vidéos pornographiques, « ont changé les modes de diffusion et de consommation au détriment de la protection des mineurs. Normalement réservée aux adultes, la pornographie est désormais accessible aux plus jeunes, sans limites, en un seul clic ».
 
La journaliste, qui vient de publier son livre, « A un clic du pire », se garde pourtant de « culpabiliser les parents », qui « réagissent comme ils peuvent, avec leurs craintes ». Elle est en revanche sans concession face à l’immobilisme des politiques qui « ne font rien pour faire respecter la législation en matière de protection des mineurs » et même face aux FAI. « Fin 2011, alors que l’industrie du cinéma “traditionnel” semblait résolue à s’attaquer au streaming illégal, dont on avait estimé à l’époque qu’il générait environ 21 milliards de visites par an, Google France, Orange, Bouygues et SFR avaient été invités à bloquer les sites de référencement de contenus illégaux. Ils n’ont pas répondu favorablement à cette demande, pas plus qu’ils n’ont mis ensuite de bonne volonté à géo-bloquer les sites pornographiques ne respectant pas la loi française », dénonce-t-elle.
 

Lutte inefficace

 
Hélas, selon les experts, la lutte contre la piraterie audiovisuelle sur Internet est complexe, en particulier en France. Selon un rapport publié en 2017 par la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI), le dispositif mis en place par l’Hexagone pour obtenir le blocage d’un site est parmi les moins efficaces en Europe. Alors que le Portugal a réussi à bloquer 600 sites en 2016, le Royaume-Uni 163 et l’Espagne 117, la France n’a bloqué qu’une vingtaine de sites. D’après les auteurs de l’étude, l’obligation pour les ayants droit de passer systématiquement par le juge semble être un frein à la lutte anti-contrefaçon en France. D’où la conclusion, accablante, de la HADOPI : la lutte contre le téléchargement illégal est inefficace.
 
En effet, même lorsque certaines condamnations aboutissent, il s’agit souvent d’un pur écran de fumée. En février, le tribunal de Nanterre a condamné l’administrateur du site de streaming illégal Streamiz à deux ans de prison ferme et à verser plus de 83,6 millions d’euros de dommages et intérêts aux parties civiles. Mais il s’agit d’une condamnation par contumace, l’homme ne s’étant jamais présenté à la convocation par le juge d’instruction. Autre problème, et non des moindres, les sites fermés peuvent être très rapidement remplacés par des « clones », dont le succès est parfois supérieur à celui du premier site. Ainsi, pour Ovidie, comme pour Gordon Choisel, s’attaquer au modèle économique de ces sites est le seul moyen de lutter efficacement contre la contrefaçon et ses complices, notamment les régies publicitaires et les intermédiaires financiers.

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