L’éducation : la meilleure arme pour lutter contre le mariage des enfants

  • Publié le: jeudi 30 novembre 2017

En 2017, plusieurs millions de jeunes filles d’Afrique de l’Ouest se sont retrouvées mariées avant leur majorité, entraînant des conséquences dramatiques non seulement pour elles, mais plus largement pour toute la société. L’accès à l’éducation reste l’élément incontournable pour une politique ambitieuse de lutte contre les mariages des enfants.

Le constat est sans appel. On estime à 15 millions le nombre de jeunes femmes mariées avant l’âge de 18 ans chaque année à travers le monde, dont la plupart en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. Les statistiques font froid dans le dos : quatre jeunes femmes sur dix sont mariées avant leurs 18 ans, dont une sur trois avant ses quinze ans. Certaines le sont même dès leurs 11 ans. Une situation intolérable pour celles qui doivent alors renoncer à une éducation et qui mettent en péril leur santé psychologique et physique. Et l’UNICEF d’enfoncer le clou dans un rapport alarmant1 : « Au rythme actuel, il faudra plus de 100 ans pour éliminer le mariage des enfants » dans ces pays africains, explique Fatoumata Ndiaye2, directrice générale adjointe de l’organisme à but humanitaire.

Des jeunes femmes en péril. Si des progrès ont eu lieu ces 25 dernières années, avec cinq pays qui se distinguent par une chute de ces pratiques ancestrales de 40 à 60 % (Gambie, Guinée Bissau, Togo, Ghana et Rwanda), six autres pays ont la prévalence du plus gros taux de mariage des enfants au monde. Cela concerne le Niger, la République centrafricaine, le Tchad (avec un taux record de mariage infantile de plus de 70 %), le Mali, le Burkina Faso et la Guinée. Une situation désastreuse pour la santé de ces jeunes filles, avec des grossesses compliquées et la multiplication des risques de MST. La législation manque pour les protéger et promouvoir leurs droits. Ces pratiques ont essentiellement lieu dans des zones pauvres et rurales où la femme est encore réduite à un rôle domestique et reproducteur. Les jeunes filles sont mariées le plus tôt possible afin qu’elles restent vierges, un moyen pour leurs parents de défendre leur honneur et de se décharger financièrement. Inégalité oblige, les garçons ont le droit de se marier plus tardivement.

Des progrès à faire. « Permettre aux filles d’aller à l’école devrait être notre première priorité (…) L’éducation équipe les filles pour la vie et aide à sortir les familles, les communautés et les pays, de la pauvreté », poursuit Fatoumata Ndjiaye2. En effet, on estime à 7,6 milliards d’euros les pertes financières pour le continent à cause de ces pratiques. Car une femme mariée trop jeune se voit privée d’un emploi, faute de qualification nécessaire, et ne peut participer activement à l’économie de son pays. De plus, cela accélère l’explosion démographique, ces femmes ayant davantage d’enfants et autant de bouches à nourrir difficilement.

Plusieurs batailles sont donc à mener simultanément : le maintien des filles à l’école le plus longtemps possible, la mobilisation des familles et des communautés pour faire changer des traditions ancestrales, ou encore la mise en place de services sociaux adéquats pour ces jeunes filles qui peuvent être mariées ou qui le sont déjà…

Une lueur d’espoir. Sur le terrain, les ONG et les associations se mobilisent pour venir en aide à ces enfants, l’accès à l’Éducation étant bien souvent la pierre angulaire d’une politique globale de lutte contre les mariages précoces. La Fondation « Children of Africa » présidée par la première dame de Côte d’Ivoire Dominique Nouvian Ouattara, est ainsi active depuis des années pour fournir une aide matérielle aux établissements scolaires et aux élèves d’Afrique. Des forums sont aussi régulièrement organisés pour coordonner les différentes activités des organismes internationaux et de la société civile. Ainsi, du 23 au 25 octobre s’est tenue à Dakar une réunion portée par différentes organisations de la société civile, des agences des Nations Unies comme Save the Children (qui milite activement pour la scolarisation des enfants) et ONU Femmes. « Le mariage des filles constitue une violation fondamentale des droits des enfants. (…) Cette réunion a été une excellente plateforme pour identifier les bonnes pratiques, mais aussi dire ce qui limite les progrès (…) C’est un combat qui se gagnera par le travail en équipe avec les leaders communautaires, religieux et une solidarité internationale beaucoup plus forte », a déclaré Mabingué Ngom3, directeur régional de l’UNFPA (le Fonds des Nations Unies pour la Population).

Sur place, d’ailleurs, l’UNFPA milite activement pour que l’âge légal du mariage des femmes passe à 18 ans, permettant à des gouvernements d’ouvrir les yeux sur le sujet et de prendre des mesures plus draconiennes. L’UNFPA a également créé le projet Swedd qui permet l’autonomisation des femmes et a institué un programme mondial pour accélérer la lutte contre le mariage des enfants dans 12 pays africains, en collaboration avec le Canada et l’Union européenne. En ligne de mire de toutes ces actions : l’éradication de ce phénomène avant 2030.

1 — Achieving a future without child marriage : Focus on West and Central Africa
2 – https://www.unicef.fr/contenu/espace-medias/l-afrique-de-louest-et-du-centre-mettra-plus-de-100-ans-pour-mettre-fin-au-mariage-des-enfants
3 — http://www.lesoleil.sn/component/k2/item/71616-mabingue-ngom-directeur-regional-de-l-unfpa-pour-l-afrique-de-l-ouest-et-du-centre-le-mariage-d-enfants-constitue-une-violation-et-un-obstacle-a-la-capture-du-dividende-demographique.html

Marie Madjou

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