L’éducation pour tous, objectif déclaré des grands de ce monde, a encore une fois été occultée lors de l’Assemblée générale de l’ONU. Si certains pays continuent de mener le combat, force est de constater que le financement de l’éducation à travers le monde, premier facteur de développement, est pourtant en crise.
La 72ème assemblée générale de l’ONU s’est conclue dimanche 24 septembre à New York, après une semaine de débat. Cette réunion de tous les Etats a mis en avant deux visions du monde : celle, protectionniste et isolationniste, du président américain Donald Trump d’une part, et, d’autre part, celle, multilatérale et commune du président Emmanuel Macron. Mais à cette seconde vision d’un monde plus solidaire et plus égalitaire, se dispute la réalité des faits qui restent tenaces.
Une crise de financement patente
En 2015, les dirigeants du monde s’étaient pourtant tous mis d’accord sur le fait que l’Education Pour Tous (dite EPT) devait faire partie des objectifs de développement durable des États membres des Nations unies pour l’agenda 2015 – 2030.
Hélas, après le tour de manches des effets d’annonce, le financement de l’éducation est au point mort. « Les questions climatiques phagocytent l’attention sur les financements » explique Charles Emmanuel Ballanger, directeur France et Europe d’Aide et Action, pour Social Mag, regrettant que les grands de ce monde ne puissent mener deux combats à la fois. « L’éducation continue de rester le parent pauvre de l’aide au développement » ajoute-t-il, amer.
Et les faits lui donnent raison. Dans une étude parue il y a quelques jours, l’UNESCO a ainsi révélé que 617 millions d’enfants et d’adolescents dans le monde n’atteignent pas le seuil minimal de compétence en lecture et en mathématiques. La stagnation de l’EPT, selon l’UNESCO, est largement due à une crise du financent des ODD (Objectif du Développement Durable). On estime ainsi qu’il faudrait lever 39 milliards d’euros supplémentaires par an pour parvenir à redresser la barre. Hors, les Etats et les mécènes sont rares et ne semblent que très rarement vouloir mettre la main à la patte.
Selon les estimations de l’UNESCO, à ce rythme, 825 millions d’enfants – sur un total de 1.6 milliards – ne seront pas scolarisés d’ici à 2030.
La France, loin d’être un modèle
Dans ce contexte déjà peu encourageant, l’élection du nouveau président américain Donald Trump, et son retentissant slogan protectionniste « America First », inquiète. Les aides internationales versées par la première économie mondiale, première apporteuse de fond, pourraient bien se tarir.
Quant à la France, malgré les belles promesses, celle-ci semble avoir sérieusement reculé sur l’éducation pour tous : en juillet, le gouvernement a en effet annoncé qu’il allait réduire l’aide publique au développement d’environ 140 millions d’euros afin de limiter le déficit public aux 3% imposés par l’UE.
L’annonce est venue comme une douche froide pour les ONG du monde de l’éducation, qui se sont vues annuler un trimestre entier de subventions sans préavis. Et ce alors même que le Président de la république avait promis lors de sa campagne que l’aide publique au développement représenterait 0,7% des revenus bruts du pays d’ici à 2025 – un seuil fixé par les Nations Unies pour tous les pays développés. En réalité, seuls 0,37% des revenus bruts français y sont actuellement consacrés.
Face à ce décalage, entre les effets d’annonce et les mesures prises, Paris s’est faite violemment tacler par Coordination Sud, une plateforme qui regroupe différentes ONG françaises. « La France n’a cependant pas mis en place de plan pertinent et efficace » tance la plateforme, appelant dans le même temps à « une gouvernance claire, transversale » et engageante.
Des progrès malgré tout
Pour autant tout n’est pas sombre dans ce tableau : certaines solutions permettent parfois des petites victoires et font espérer un changement positif vers l’émancipation. Au Niger, par exemple, Aide et Action a pu atteindre des progrès considérables sur la question du mariage précoce des jeunes filles, en soulignant les bienfaits d’une éducation des mères pour les familles : un enfant a a 50% de chances en plus de d’atteindre l’âge de cinq ans si sa mère sait lire et écrire. Cela est dû, entre autres, de la bonne lecture de la posologie, et d’une formation aux premiers secours.
Parallèlement, plusieurs pays continuent à investir massivement dans l’éducation, malgré le contexte difficile. C’est le cas de la Suède qui investit jusqu’à 1,4% de son revenu brut pour l’aide au développement (le double de ce qui est recommandé par les Nations-Unies), ou encore les Pays-Bas, la Belgique, ou même le Royaume-Uni, malgré le Brexit.
D’autres pays auxquels on s’attendrait moins, comme le Qatar, investissent massivement dans l’éducation.
Ce dernier, à l’initiative de Cheikha Mosah, aurait créé la fondation « Education Above All », dont l’objectif est de collecter des fonds pour les ONG agissant dans le domaine de l’EPT. Avec des résultats encourageants « Le but de la fondation est de permettre à un maximum d’enfants d’obtenir une éducation de base. Chaque projet peut aller jusqu’à 9 à 10 millions d’euros » explique M. Ballanger, dont l’ONG a pu travailler avec cette fondation. S’il est admiratif, M. Ballanger avertit néanmoins sur le risque inhérent des logiques quantitatives, qui prennent souvent le pas sur le qualitatif « Aujourd’hui, l’efficacité de l’intervention d’une ONG ne se résume pas qu’au nombre d’enfants qui sont rentrés au primaire, mais aussi au nombre d’enfants qui ont pu en sortir et qui maîtrisent réellement les savoirs nécessaires qui les mèneront au secondaire ».
Un discours qu’il est souvent bien difficile de faire entendre aux bailleurs et autres mécènes.
Embrasser une logique de long terme
Face aux nombreuses reculades des nations du monde, les initiatives nationales et internationales semblent se multiplier.
C’est le cas du Ghana, qui a récemment introduit le principe du secondaire gratuit pour tous. A l’international, le Qatar, encore lui, organise tous les deux ans le forum Wise Initiative. Cet événement, dont l’objectif est d’innover dans l’éducation, permet également de mettre en contact les porteurs de projets et les bailleurs de fonds. Avec des intervenants et des intervenantes de premier plan, à l’image de l’ancienne première dame américaine Michelle Obama, dont les efforts pour l’éducation ont toujours été salués par la communauté internationale.
Une telle initiative pourra-t-elle remplacer l’attentisme dans lequel l’ONU et les pays du monde semblent désormais plongés ? Il est permis malheureusement d’en douter. Si ces derniers semblent avoir compris l’importance d’un financement de l’éducation pour tous, les logiques de court-terme continuent de plomber cet objectif du millénaire. « Les politiques veulent des résultats rapides et visibles. Or, le développement est un processus long : quand vous formez un enfant de six ans jusqu’à la fin du secondaire, il se passe douze ans. » rappelle M. Ballanger, qui dit lutter constamment pour que les bailleurs prennent conscience de cet impératif temporel.
Un temps que les gouvernements du monde ne semblent pas vouloir prendre.
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