Il y a quelques jours était publié « Insoutenables inégalités, pour une justice sociale et environnementale » écrit par Lucas Chancel, codirecteur du Laboratoire sur les inégalités mondiales à l’Ecole d’économie de Paris, chercheur senior à l’Iddri et enseignant à Science Po-Paris.
L’auteur y développe l’idée d’une articulation complexe de la sphère environnementale et de la sphère socio-économique. En partant du postulat qu’un monde plus équitable est aussi plus durable, il ouvre quelques pistes vers un futur plus désirable et plus vivable, parce que réconciliant cette double exigence.
Mesurer le lien entre injustices environnementales et sociales
Dans un contexte d’accroissement des inégalités et de chômage de masse, les politiques environnementales sont souvent perçues comme des contraintes supplémentaires, quand elles ne sont pas qualifiées de mesures anti-pauvres ou anti-ruralité.
Pourtant, il existe un lien étroit entre les injustices sociales et environnementales.
En effet, les données chiffrées sont sans appel : au Nord comme au Sud, les plus riches sont les principaux pollueurs, tandis que les plus modestes sont davantage exposés aux risques et plus vulnérables face aux dégâts occasionnés.
L’iniquité se mesure par exemple à l’aune du degré de responsabilité dans les dégâts environnementaux. Historiquement, les pays riches, pour l’essentiel Etats-Unis et Europe, ont été les principaux émetteurs de gaz à effet serre, auxquels ils paient pourtant un moins lourd tribut que les nations les plus exposées aux effets du réchauffement.
C’est pourquoi la question de la justice sociale doit être mise au coeur des politiques de développement durable.
Construction de l’Etat social
Infrastructures, systèmes de mesure innovants, réformes fiscales… Il y a de nombreux exemples et solutions à dupliquer. Mais, leur mise en oeuvre est lente et subit des résistances, que ce soit en Europe, aux Etats-Unis ou en Inde. Afin d’accompagner et d’accélérer la nécessaire métamorphose de l’Etat social, l’auteur propose plusieurs pistes concrètes et plaide pour une meilleure articulation des luttes locales et de la coordination internationale.
Concilier justice sociale et préservation de la planète serait ainsi à notre portée, selon le chercheur. Mais « cela demande de franchir une nouvelle étape dans la construction de l’Etat social », qui « devra être repensé afin d’articuler la prise en charge des risques environnementaux aux outils traditionnels de la protection sociale ».
Il faudrait d’abord de nouveaux outils de mesure et de cartographie des inégalités environnementales, le produit intérieur brut ne pouvant demeurer l’unique indicateur de progrès, alors même que les Nations unies ont placé la réduction des inégalités « dans les pays et d’un pays à l’autre » au cœur des Objectifs de développement durable adoptés en 2015.
Il convient, ensuite, de « mettre en cohérence les politiques sociales classiques et les objectifs de protection de l’environnement », la fiscalité écologique – dont la taxation du carbone – pouvant être dans ce domaine « un puissant outil » au service de l’une et l’autre cause.
« Une nouvelle forme de collaboration entre l’Etat social et les territoires est à inventer », prône encore Lucas Chancel, qui récuse « la fausse opposition entre le global et le local » dans la recherche – exigeant, prévient-il, « beaucoup d’imagination et d’énergie pour aboutir » – d’un avenir « à la fois juste et durable ».
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