Chargés de déployer les compteurs communicants dans l’Hexagone, les poseurs de Linky sont de plus en plus pris à partie — parfois violemment — par les détracteurs du compteur. Cette dérive serait l’une des conséquences de la « désinformation » à laquelle est en proie le petit boîtier.
Tout ou presque a déjà été dit ou écrit à propos de Linky. Le nouveau compteur électrique d’Enedis, installé dans les foyers français depuis décembre 2015, comme toute avancée technologique, a ses détracteurs et ses soutiens, qui s’affrontent régulièrement par médias interposés. Deux catégories de personnes que l’on connaît assez bien. Mais il en est une troisième qui n’est jamais — ou très rarement — évoquée : celle des techniciens chargés de la pose des compteurs. Pourtant, leur quotidien, parfois très mouvementé, mérite que l’on se penche sur leur sort.
Ils sont, pour la plupart, électriciens de formation et ne s’attendaient absolument pas à faire face à autant de résistance lors de l’installation des compteurs communicants. Certains anti-Linky n’hésitant pas à les intimider — à l’aide d’armes par exemple — pour qu’ils repartent avec le compteur communicant sous le bras. Une nouvelle forme de violence ahurissante — et incompréhensible — que relate le pure player Les Smartgrids, qui est allé à la rencontre de l’un de ces poseurs.
Les anti-Linky dérapent
Embauché par Solutions 30, une société qui a décroché environ 30 % du marché de l’installation de Linky — elle est responsable de quelque 10 millions de boîtiers sur un total de 35 millions —, M. Houari, 46 ans, commence à poser ses premiers compteurs en février 2016. « À l’époque, je n’avais pas encore en tête l’importance du déploiement des compteurs Linky », indique-t-il, loin de penser que ce petit boîtier est l’un des premiers jalons de la transition énergétique en France.
« J’avais des appréhensions surtout d’ordre technique : compteurs communicants, smart grids, transition énergétique, etc. C’étaient des concepts avec lesquels je n’étais pas familier » avoue-t-il. La surprise, pourtant, viendra d’ailleurs : « J’ai été agressé une fois dans la ville de Quiévrechain. Je m’occupais d’un compteur accessible, c’est-à-dire un compteur qui se situe en dehors de l’habitation. […] Au bout de 20 minutes, la personne est sortie et s’est mise à m’injurier. […] J’ai dû appeler mon chef qui s’est rendu sur place avec la police municipale. »
Une situation « invraisemblable », selon M. Houari, mais malheureusement pas si isolée. À Albi (Tarn), des collectifs se réunissent régulièrement pour faire fuir les poseurs Linky, et vont même jusqu’à « traquer », en bande organisée, les techniciens. À Riom (Puy-de-Dôme), en juillet dernier, deux techniciens d’Oti France ont ainsi été accueillis par un sexagénaire muni… d’un fusil à pompe, qui les a menacés de mort en pointant l’arme sur eux — avant de prendre la fuite. Ceci alors que les poseurs installaient les nouveaux compteurs dans le hall d’un immeuble, et non directement chez l’habitant.
En janvier dernier, des opposants à Linky se sont même retrouvés devant le tribunal correctionnel de Rennes, ces derniers avaient empêché un technicien d’installer le compteur, en le menaçant avec une arbalète. Pour défendre les assaillants, leurs avocats sont allés jusqu’à affirmer que leur comportement n’avait rien eu de violent, et ont même plaidé le « manque de discernement » du technicien, accusé d’être à l’origine d’une « ambiance stressante ».
Une désinformation de grande ampleur
« Nous ne nous attendions pas à une telle nervosité [de la part des habitants] » explique M. Houari. « Nous ne forçons pas la pose des compteurs, nous ne cassons pas les cadenas, nous ne franchissons pas les barrières, mais nous sommes pris pour des voyous ». Selon lui, si la situation est excessive aujourd’hui — et depuis quelque temps déjà —, c’est à cause de « l’incitation à la violence » orchestrée par les leaders de la fronde anti-Linky, et notamment par le plus connu : Stéphane Lhomme.
Au cours de ses conférences, le militant n’hésite pas à pousser son auditoire à tout faire pour empêcher la pose des compteurs. Et le vocabulaire, souvent, en dit long sur la mesure du personnage : « Avis à la population de France : attention, les miliciens envoyés par Enedis pour vous infliger le compteur malfaisant Linky se livrent aux pires exactions, alors préparez-vous : self-défense, sprays lacrymogènes, enregistrements vidéo, etc. » a-t-il pu écrire sur son compte Twitter.
Stéphane Lhomme fait feu de tout bois, quitte à laisser la vérité de côté : toujours sur son compte Twitter, le 12 mars dernier, le frondeur affirmait ainsi que Linky était à l’origine d’un incendie mortel dans la commune de Laxou-Champ-le-Bœuf, en Meurthe-et-Moselle. Une information démentie quelques heures plus tard par Enedis. Et pour cause : le compteur Linky n’y était pour rien, ce dernier étant installé à l’extérieur de l’habitation. Cette « désinformation » – qui a d’ailleurs été pointée du doigt par Libération – complique le travail des poseurs de compteurs qui sont « désarmés » face à cette violence, précise M. Houari.
A. Laroche
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