À Marseille, les salariés de McDonald’s pris en sandwich dans une crise sociale sans précédent

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  • Publié le: mardi 18 septembre 2018

Dans les quartiers Nord de Marseille, McDonald’s est un pourvoyeur d’emplois et contribue au maintien du tissu social. A l’occasion de l’annonce d’une cession de six restaurants, certains représentants du personnel, comme Kamel Guemari, sont montés au créneau. Mais selon d’anciens collaborateurs, ils utiliseraient la cause des travailleurs pour servir leurs propres intérêts.

 

Du travail, « je traverse la rue, je vous en trouve » affirme Emmanuel Macron.

Le spectacle des quartiers Nord de Marseille pourrait doucher l’optimisme sans vergogne de notre président. Encastré dans ces quartiers, Saint-Barthélémy est l’un des coins les plus sensibles de la cité phocéenne, où le chômage est endémique. Ses 18 000 habitants sont pour la plupart jeunes, locataires de leur logement (81 %), ils ont des petits revenus (16300 euros par ménage) et ils vivent dans des HLM (à 60 %). Les rues sont quasiment vides, les magasins et les commerces ont fermé peu à peu et le premier grand centre commercial est à une dizaine de kilomètres. Pourtant, « tout le monde se connaît et s’entraide », affirme Myriam, membre de la Maison des Associations Saint-Barthélémy, et quelques enseignes sont encore pourvoyeurs d’emploi.

C’est le cas de McDonald’s qui s’y implante en 1992 et qui constitue aujourd’hui le deuxième employeur de la zone (après Carrefour) avec 77 salariés. Le fast-food affiche sa volonté de faire travailler des jeunes du quartier, sans diplôme ni expérience, afin de « casser les clichés autour des quartiers Nord » explique Coraline au journal Marianne. « J’ai dû me débrouiller seule assez jeune et McDo m’a permis de payer mon loyer et de m’émanciper des problèmes (…). Ici, c’est comme une école de la seconde chance ». Situé à la sortie de la Nationale 1547, le McDonald’s de Saint-Barthélémy œuvre même à la réinsertion d’anciens détenus. Car ici, c’est de travail honnête dont les jeunes ont besoin.

 

Du rififi dans les fast-foods

Mais depuis peu, rien ne va plus. Jean-Pierre Brochiero, détenteur de six restaurants à Marseille, décide de les céder à Mohamed Abbassi. Or ce dernier explique ne pas vouloir reprendre le McDonald’s de St Barthélémy, en déficit chronique depuis de nombreuses années (Marianne parle de « 3,3 millions d’euros »). L’enseigne devait être remplacée par une entreprise tunisienne, Hali food. Le 8 août dernier, le sous-directeur du restaurant et également syndicaliste chez Force ouvrière, Kamel Guemari, menace de s’immoler par le feu, filmant la scène avec son smartphone. Devenue virale, la vidéo amplifie le conflit social et lui donne une portée nationale et internationale, jusqu’au New York Times qui en parle dans ses tribunes du 5 septembre.

Une semaine plus tard, un ancien employé du McDonald’s de St Barthélémy révèle l’envers du décor. Il raconte qu’en 2011, Kamel Guemari aurait « agressé le directeur du restaurant, (…) entraînant un ITT de 21 jours pour la victime » et que « des messages d’intimidation par SMS, menaçant de mort eux ou leurs familles » auraient été reçus par certains directeurs. En 2017, lui et une quinzaine d’individus auraient dégradé une enseigne, « faisant fuir les clients et en hurlant que le franchisé était ‘un escroc et un esclavagiste’ ». Last but not least, l’article affirme que Kamel Guemari « bénéficie d’une voiture de fonction et touche un salaire de plus de 5000 euros par mois au titre de sous-directeur, soit plus que le directeur lui-même ».

Mais alors, qui est l’escroc ? Qui est l’esclavagiste ? Ces irrégularités expliquent sans doute que l’enseigne soit structurellement déficitaire. Aucun intérêt donc pour certains salariés de voir l’enseigne disparaître, puisqu’ils y perdraient leurs avantages pour le moins disproportionnés. Un comble pour une structure qui se targuait de vouloir réinsérer d’anciens détenus et de les remettre dans le droit chemin.

En paralysant les projets de reprise de ce McDonald’s, les délégués syndicaux, en tête desquels Kamel Guemari, hypothèquent l’avenir de ce restaurant dont la fonction d’intégrateur social n’est plus à démontrer. S’il est légitime qu’ils jouent leur rôle de représentants des salariés, il l’est moins qu’ils profitent de leur statut pour défendre leurs propres privilèges, au mépris d’une population pour laquelle ce McDonald’s constitue bien souvent le seul horizon professionnel.

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