En proposant aux hébergeurs de les payer « directement » sur une carte bancaire de débit émise depuis Gibraltar, la société californienne favorise une forme d’évasion fiscale. Un scandale de plus pour la plateforme dont le siège européen se trouve à Dublin.
Son fonctionnement est assez simple. Une fois la carte Payoneer activée, « Airbnb effectuera vos versements en dollars US ou en euros selon le pays dans lequel vous vous trouvez », lit-on sur le site web de la plateforme.
Ce que la société ne dit pas est que ce système lui permet de payer les hébergeurs depuis la Grande-Bretagne sur leur carte basée à Gibraltar. La procédure rend le transfert un peu complexe, mais elle a le mérite, non négligeable, d’être invisible pour le fisc français.
Et les hébergeurs semblent en être au courant. « C’est un ami qui m’en a parlé. Il m’a dit que c’était très pratique pour récupérer mes revenus de location, et que c’était un bon moyen pour échapper au fisc parce que totalement opaque », déclare un hébergeur français aux journalistes de France Inter.
Les cartes délivrées par la société de services financiers Payoneer permettent en effet de faire des transferts d’argent internationaux « en payant nettement moins de frais qu’en passant par une banque classique », explique la chaîne d’information. « Airbnb peut dire ce qu’il veut, la réalité, c’est qu’il a choisi une société basée à Gibraltar pour permettre à des loueurs français d’encaisser des revenus en échappant aux radars français ! », résume plus simplement Jean Bernard Falco, président de l’Ahtop, une association de professionnels du tourisme.
Airbnb et les paradis fiscaux: une histoire d’amour?
Gibraltar est considéré comme un paradis fiscal par l’OCDE en raison de ses conditions fiscales avantageuses. Dans le cadre des révélations des « Paradise Papers », le territoire d’outre-mer britannique a en outre retenu l’attention de l’ONG Oxfam, qui l’a inclus dans sa nouvelle liste noire des paradis fiscaux.
Airbnb voit ainsi une nouvelle fois son nom associé à un scandale financier, la plateforme ayant été accusée de mettre en place une juteuse stratégie d’optimisation fiscale en France. En août dernier, Le Parisien révélait que la société n’avait payé que 92 944 euros d’impôts dans l’Hexagone en 2016, un montant « ridiculement bas » par rapport au véritable chiffre d’affaires qu’elle aurait réalisé en France.
Le quotidien attribuait le « décalage troublant » entre les recettes et les impôts payés par la plateforme à « une stratégie assumée d’optimisation fiscale. Immatriculée dans l’Etat du Delaware (un paradis fiscal américain, sur la Côte Est), Airbnb est passée maître dans l’art de jongler avec les différentes législations fiscales. En Europe, son siège social est installé en Irlande, où l’impôt sur les sociétés à 12,5 % est “l’un des plus faibles du Vieux Continent”, dénonçait Le Parisien.
Convoquée à Bercy
Avec la désormais fameuse carte Payonner, Airbnb vient apporter de l’eau au moulin de ses détracteurs et semble se placer une nouvelle fois aux frontières de la loi. Ceci alors même que la société est confrontée aux critiques virulentes des hôteliers, qui l’accusent de concurrence déloyale, et des autorités locales, qui s’inquiètent de voir grimper les prix du logement et augmenter les nuisances et les conflits entre voisins.
Toujours en août, Le Parisien révélait que les loueurs de meublés touristiques à Paris avaient écopé de 615 000 euros d’amende, soit treize fois plus qu’en 2016. Les propriétaires condamnés, dont beaucoup étaient passés par Airbnb, n’avaient pas déclaré leur location à la Ville et avaient dépassé la durée légale autorisée de 120 jours par an.
Airbnb vient de mettre en place un outil informatique lui permettant de bloquer les annonces en cas de dépassement de la durée autorisée. Mais la mesure ne pourra être appliquée que dans les 1er, 2e, 3e et 4e arrondissements de la capitale.
L’utilisation de la carte Airbnb a néanmoins été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Ce mardi 5 décembre, le ministre de l’Action et des comptes publics, Gérald Darmanin a annoncé la convocation « la semaine prochaine » à Bercy des dirigeants de Airbnb au sujet du paiement controversé des hôtes via des cartes Mastercard Payoneer. La fin de l’impunité?
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