Au Gabon, on ne plaisante plus du tout avec la corruption

  • Publié le: lundi 1 août 2016

 

Afin de mettre un terme au système de prédation qui permettait à certains acteurs de l’Etat de toucher de généreuses commissions lors de l’attribution de marchés publics, le cabinet présidentiel gabonais a décidé de frapper fort. Le bras droit d’Ali Bongo Ondimba, Maixent Accrombessi, a mis en place un véritable « sas » administratif, afin d’assurer un meilleur contrôle des dossiers traités par la présidence.

La corruption demeure encore aujourd’hui un des principaux freins au développement en Afrique. Si le développement économique du continent a été honorable grâce à la vente de matières premières à partir du nouveau millénaire, la corruption a considérablement ralenti l’émergence d’une classe moyenne et la redistribution des profits générés. Si bien que nombre d’économies africaines, bien que florissantes, ont conservé un organigramme obsolète, qui a fini par les pénaliser. Afin de remédier à cette tendance, certains pays ont décidé de se regrouper. Ainsi, en octobre 2015, les institutions nationales de lutte contre la corruption de tous les pays membres de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC) et de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) ont décidé de mettre en synergie leurs compétences afin de créer un réseau sous-régional qui permettra de renforcer les outils servant à lutter contre la corruption. L’initiative était cruciale : selon l’édition de 2015 du classement Doing Bussiness publié par la Banque mondiale, seize des pires pays en termes d’aisance pour réaliser des affaires sont africains. Parmi les seize, quatre se trouvent dans la sous-région d’Afrique centrale.

En plus des initiatives communes, plus lentes, certains pays ont décidé de mener de véritables croisades contre la corruption. C’est le cas du Gabon, petit pays d’1,8 million d’habitants, dont les importants bénéfices liés à la vente de pétrole et aux grands projets de construction n’ont pas assez bénéficié à la population. Ainsi, selon l’ONG Transparency International, le Gabon se trouve au 94ème rang des pays les plus corrompus au monde. Selon un rapport de la Banque mondiale, entre 400 et 500 milliards de FCFA disparaissent des finances publiques chaque année. Dès son élection en 2009, le président Ali Bongo Ondimba a chargé son conseiller et bras droit, Maixent Accrombessi, d’étudier les modes de corruption du pays, et de mettre en place un système permettant d’y remédier. En a résulté la stratégie nationale de lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent, validée en 2013.

Après plusieurs purges, notamment dans le secteur hydrocarbure, Accrombessi a lancé un vaste programme de réformes de l’administration – en particulier des services entourant la présidence – afin de lutter contre les commissions que s’octroyaient trop souvent certains agents du service public, par le biais de juteuses commissions sur les marchés publics. Le chiffre est connu de tous – ce qui en dit long. On a pendant longtemps parlé des « fameux 10 % » prélevés sur chaque marché passé avec l’Etat. C’était monnaie courante, c’était même passé dans le langage usuel. Autant dire que la pente est raide et longue, et que la série de réformes entreprises au Gabon promet d’être douloureuse. Et ce d’autant que les éléments corrompus se trouvent souvent en haut de l’organigramme administratif, dans des positions influentes où il leur est aisé de falsifier les chiffres ou de communiquer de fausses informations à la présidence. Les réformes visent à un contrôle accru dans des domaines d’activités comme le budget, les marchés publics, la décentralisation, l’éducation, la préservation des ressources naturelles, les mines et les industries extractives, la santé publique, les transports et la justice.

La magistrature suprême est une tâche multiple et imposante, qui ne permet pas une relecture méticuleuse de chaque ligne et de chaque donnée des dossiers nationaux. C’est pourquoi un véritable « sas » administratif est en train d’être édifié, qui servira à filtrer et vérifier les informations avant qu’elles ne soient transférées au chef de l’Etat. Cela passe par l’embauche de jeunes collaborateurs gabonais indépendants des réseaux de corruption préexistants. Des actions sont également menés par plusieurs structures indépendantes travaillant de concert avec le soutien logistique du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), qui procèdera à une évaluation chaque année. On peut citer le Comité de pilotage (COPIL), organe politique, le Comité de coordination (COMCOR), organe opérationnel, et la Coalition Nationale qui comprend des membres de la société civile.

Mais la corruption, c’est également une culture. D’après une analyse financée par le PNUD en 2010, « l’impunité apparait comme la principale cause de l’augmentation de la corruption au Gabon. » Aussi, des conférences ont été organisées afin de sensibiliser les citoyens aux risques de la corruption et aux méthodes pour la combattre. En Février dernier, à Libreville, un atelier organisé à l’endroit des agents publics, des personnalités du secteur privé et des acteurs de la société civile a servi à réaffirmer et clarifier les objectifs, les règles et les principes directeurs de la stratégie nationale de lutte contre l’enrichissement illicite. Les thématiques ont principalement porté sur le système de suivi-évaluation, la planification et la gestion des risques et les méthodes d’identification et d’évaluation des indicateurs. En transformant la lutte contre la corruption en effort national, et en informant pleinement sa population, le Gabon a su à la fois s’en prendre aux racines et au tronc. Une stratégie qui devrait s’avérer payante.

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