Auto-écoles : la loi Macron en sous-régime

  • Publié le: mercredi 23 août 2017

Dans un secteur pointé du doigt pour ses nombreuses irrégularités, la loi Macron était censée démocratiser le passage du permis de conduire en rendant plus équitable et plus rapide l’accès aux examens. Faute de moyens suffisants, les objectifs de cette réforme sont encore loin d’être atteints. 

Facturations excessives, taux de réussite falsifiés, tarifs non affichés, monopole sur les inscriptions… Les pratiques abusives des auto-écoles traditionnelles sont depuis plusieurs mois dans le viseur de l’Autorité de la concurrence, qui avait déjà marqué les esprits en libéralisant le passage de l’épreuve du code. Depuis, l’organisme public s’est aussi attaqué à l’examen de la conduite, remettant en question la méthode d’attribution des places. Afin de réduire le délai d’attente de 72 jours constatés en moyenne en France (contre 45 en Europe), il a recommandé début mars que les besoins réels de chaque établissement soient pris en compte pour l’inscription à l’épreuve pratique du permis de conduire, plutôt que le quota fixé actuellement en fonction de l’activité passée des auto-écoles. Rappelant l’interdiction des frais de présentation aux épreuves du permis, le gendarme de la concurrence a également insisté pour que les préfectures garantissent le même délai d’attente aux candidats libres « dès la première demande ». Les « sages » se sont même prononcés en faveur d’une « inscription individuelle en ligne de tous les candidats après validation des 20 heures de conduite obligatoires par l’auto-école », comme c’est le cas au Royaume-Uni.

 

L’ UFC-Que choisir et l’autorité à la concurrence critiquent le monopole des auto-écoles

Par ses préconisations aussi fermes qu’impopulaires auprès des auto-écoles, l’Autorité de la concurrence entend réformer un secteur jusque-là verrouillé par une réglementation trop exclusive. En septembre dernier, l’association UFC-Que choisir dénonçait via une étude menée dans 1 374 établissements les nombreux abus commis à des fins mercantiles sur le dos des apprentis conducteurs. D’après les résultats de l’enquête, plus d’une auto-école sur cinq (20,5 %) ne respecterait pas l’obligation d’afficher ses prix en vitrine ; plus de la moitié (58,4 %) annoncerait des taux de réussite supérieurs d’au moins cinq points à la réalité ; et presque toutes (93 %) factureraient des frais d’accompagnement à l’examen théorique, dont plus de la moitié (51,2 %) supérieurs de 25 euros au plafond autorisé… Conséquence de ces pratiques généralisées à travers l’Hexagone : le prix moyen du permis serait de 1 804 euros, incluant le forfait de base et les 15 heures supplémentaires prises en moyenne par les candidats : un coup insurmontable pour les jeunes.

Plaidant pour une « réforme structurelle et d’ampleur », UFC-Que choisir ne voit d’autre choix que l’ouverture à la concurrence, qui « inciterait les auto-écoles à baisser les prix ».

 

Conduite : pénurie d’examinateurs et délais d’attente encore trop longs

C’est précisément l’objet du deuxième volet de la loi Macron du 6 août 2015 qui, à partir de son application le 1er janvier 2017, prévoyait d’autoriser l’inscription à l’examen de la conduite en candidat libre et de réduire le délai d’attente à deux mois pour tous les aspirants conducteurs. Le but : démocratiser l’obtention du permis en permettant de préparer et de passer l’épreuve pratique à moindre coût en dehors des structures traditionnelles. Ces dernières appliquent encore des tarifs exorbitants (frais de présentation de 300 euros, frais d’accompagnement, etc.) et imposent souvent des heures supplémentaires non justifiées.

Un obstacle financier de taille pour les jeunes, qui pourtant ont souvent besoin du précieux sésame pour trouver un emploi. Le succès de la privatisation de l’examen théorique via La Poste, qui enregistre 50 % de candidats libres parmi les postulants au code, incite à appliquer cette méthode à la conduite. Début janvier, l’auto-école en ligne Ornikar se prenait à rêver que 75 % des présentations aux épreuves du permis se feraient en candidature individuelle en 2018 et que les auto-écoles reprendraient leur rôle initial de formatrices. Pourtant, le marché est encore loin d’avoir atteint ce stade d’ouverture à la concurrence…

Contrairement aux promesses de la loi Macron, la situation demeure au point mort. En cause, le manque de moyens disponibles pour mettre en application des conditions plus équitables et rapides pour l’accès à l’examen de la conduite. En Seine-Maritime, le nombre insuffisant d’inspecteurs a multiplié par trois ou quatre le délais d’attente moyen pour les élèves repassant l’examen, selon Karl Raoult, directeur des auto-écoles CER. En Ille-et-Vilaine, l’absence d’un tiers des examinateurs a provoqué le report de plusieurs centaines d’épreuves de conduite, faute de renforts suffisants. « En avril et en mai, plus de la moitié de mes candidats ont vu leur examen reporté dans certaines de mes agences, et même 90 % dans l’agence de la Tour d’Auvergne à Rennes, ce qui crée un embouteillage en juin et juillet », déplore Vincent Raeul, directeur d’auto-écoles. À Laval (Mayenne), des examens ont même été annulés le jour-même à cause de la pénurie d’inspecteurs… Si les professionnels du secteur semblent s’être résolus à la libéralisation de l’apprentissage de la conduite, ils attendent à présent les conditions appropriées afin de mettre cette solution en pratique.

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