Amyotrophie spinale : deux ans après Ethan Peluso, le Canada a-t-il appris sa leçon ?

  • Publié le: lundi 11 juin 2018

Tandis que la France vient d’annoncer qu’elle prenait en charge le traitement contre l’amyotrophie spinale, le Canada est toujours embourbé dans des lenteurs administratives.

« Votre enfant est atteint d’une maladie dégénérative potentiellement mortelle. Un médicament qui peut l’aider existe, mais il n’est pas approuvé au Canada. » En novembre dernier, Patrick Déry, de l’Institut économique de Montréal, faisait sensation en braquant les projecteurs sur Zac Laftuska, un petit garçon atteint d’amyotrophie spinale de type 2, ainsi que sur le combat de ses parents contre l’inertie de la bureaucratie canadienne. A ce jour, le pays refuse de rembourser le Spinraza, seul traitement en mesure de prolonger la vie des enfants atteints de cette maladie.

« Impact budgétaire faible »

Zac n’est pas le premier enfant à risquer sa vie en l’attente d’un tel médicament. Certains l’ont même perdue. On se souvient ainsi du cas d’Ethan Peluso, un petit garçon de huit mois qui a succombé à la maladie. Les dons recueillis n’avaient pas suffi à payer le médicament qui aurait pu le sauver. En effet, si le Spinraza offre un traitement efficace de la maladie dégénérative, il est aujourd’hui onéreux. Trop ? L’argument est en tout cas avancé par les députés canadiens pour retarder sa prise en charge par l’assurance maladie. Ceci alors que ses effets positifs sont prouvés, comme l’a rappelé, le 8 février dernier, le député de Saint-Jean et porte-parole de l’opposition officielle en matière de services sociaux, Dave Turcotte, lors d’un point presse.

« Le Spinraza améliore les capacités motrices et respiratoires des personnes atteintes et réduit la progression de la maladie » a-t-il affirmé, alors que se tenaient à ses côtés des enfants atteints d’amyotrophie spinale ainsi que leurs parents. « Il améliore donc la qualité de vie des malades et réduit d’autant la charge reposant sur les épaules de leurs proches », et le financer serait une question de justice, selon lui, puisqu’« aucune raison ne vient justifier que l’on discrimine ainsi les patients atteints d’amyotrophie spinale ».

D’après le député, « plus le traitement est administré tôt, plus les capacités motrices et respiratoires des malades sont préservées ». C’est également ce que fait valoir une pétition pour le financement du médicament présentée au ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, ayant recueilli plus de 14 000 signatures en ligne. Réduisant « significativement le risque de décès », le Spinraza aurait par ailleurs un impact budgétaire faible, vu « le très petit nombre de patients atteints d’AS ». Mieux, toujours selon cette pétition citoyenne, « les bénéfices du Spinraza réduiraient considérablement la charge financière au plan médical et social au Québec ». Une question mérite donc d’être posée : est-ce réellement le prix du traitement qui bloque actuellement les choses ?

« On devrait simplement l’adopter ici »

Le Canada, on le sait, est réputé pour ses lenteurs administratives, surtout en matière de santé, lorsqu’il s’agit d’autoriser un médicament – ou son remboursement. Patrick Déry de citer « la quarantaine d’étapes que doit suivre un médicament avant d’être l’objet d’une décision […] les autorités provinciales [devant] elles aussi donner leur aval, notamment l’Institut national d’excellence en santé et services sociaux (INESSS) au Québec ». Et « même advenant une recommandation favorable, l’attente n’est pas terminée, puisque le prix du médicament doit faire l’objet de négociations entre les provinces et le fabricant ».

Pourtant, reconnaît Dave Turcotte, en l’état, « l’impact sur les finances publiques [du Spinraza est] déjà très faible » – et serait « quasi nul » si Biogen acceptait de diminuer ses prix. Mais l’innovation et le caractère unique de ce traitement – une personne sur 6 000 environ étant atteinte d’amyotrophie spinale à la naissance – n’ont-ils pas un coût pour l’industrie pharmaceutique ? Biogen consacre ainsi plus de 20 % de son chiffre d’affaires annuel à la recherche et au développement. Et si le taux moyen de rentabilité des laboratoires dépasse les 20 %, contre 8 % dans les autres secteurs, il faut y voir « des bénéfices indispensables pour attirer les capitaux qui financeront les investissements de demain », prévient en France Patrick Errard, président du Leem, l’association des entreprises pharmaceutiques.

La France, justement, vient de démontrer une nouvelle fois son attachement aux questions de santé publique, en rétribuant à leur juste valeur les innovations d’aujourd’hui, puisqu’elle a fait part tout récemment de sa décision de rembourser le Spinraza. Même son de cloche aux Etats-Unis, en Norvège, en Suède ou encore l’Italie, qui ont d’ores et déjà accepté de rembourser le médicament. Selon M. Déry, « lorsque des pays comme les Etats-Unis, la France ou l’Angleterre considèrent qu’un médicament est efficace et sans danger pour le patient, on devrait simplement l’adopter ici aussi. Nos ressources pourraient ainsi être consacrées à examiner d’autres médicaments. Et des patients comme Zac Laftuska n’auraient pas à souffrir inutilement pendant des mois. »

 

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