Cannes 2017 : derrière les polémiques, un Festival ouvert aux innovations

  • Publié le: jeudi 8 juin 2017

Cannes 2017 a refermé ses portes dimanche 28 mai, après l’annonce de la remise du prix de la Palme d’Or au film suédois « The Square ». Le rendez-vous cannois incontournable pour le secteur cinématographique est aussi l’occasion, au delà des strass et paillettes, de montrer la dynamique de la création artistique, portée par de nouveaux acteurs publics. Car le Festival, 70 ans après sa création, reste au cœur de nombreux enjeux économiques et culturels.

L’édition 2017 du Festival de Cannes n’aura pas seulement offert au public « un palmarès en forme d’œuvre d’art », comme l’écrit Le Monde. L’occasion, comme chaque année, de générer des millions d’euros de retombées économiques. Selon le Palais des Festivals, qui comptabilise les retombées directes, indirectes et induites de l’événement, les retombées économiques sont estimées à 196 millions d’euros pour l’édition 2016. En 2015 et 2016, le festival le plus médiatisé au monde aura permis de créer plus de 2 000 emplois.

Cannes reste ainsi au cœur de nombreux enjeux culturels et économiques, comme le prouve la polémique autour des films produits par Netflix. Le géant américain de la vidéo en ligne par abonnement a annoncé qu’il ne sortirait pas dans les salles de cinéma Okja et The Meyerowitz Stories, ses deux films présentés au Festival.

Ce qui a fait réagir aussitôt Pedro Almodovar, président du jury : « Je ne crois pas que la Palme d’or ou n’importe quel autre prix devrait être décerné à un film qui ne sera pas vu sur un grand écran », avait estimé le célèbre réalisateur espagnol. Et d’ajouter : « Ça ne veut pas dire que je suis allergique aux nouvelles technologies, mais, tant que je serai vivant, je me battrai en faveur du pouvoir d’hypnose du grand écran sur les spectateurs ».

La polémique était lancée. Alors que Netflix souhaitait obtenir un visa temporaire d’exploitation pour ses deux long-métrages, le Centre national du cinéma (CNC) a indiqué qu’ils n’étaient pas éligibles à une diffusion restreinte sous ce régime d’exemption « réservé à des oeuvres moins grand public ».

Streaming et Cinéma : un mariage de raison ?

Will Smith, membre du jury, a pris quelque peu ses distances par rapport au président du jury en affirmant que les services de streaming devraient être perçus, « non comme des adversaires des salles obscures, mais comme un moyen supplémentaire de promouvoir les œuvres ».

Côté médias, si certains accusent Pedro Almodovar de « semer la zizanie » (Le Point) sur la Croisette, d’autres n’hésitent pas à qualifier de « ridicule » (Les Echos) la position de l’Espagnol. « On peut être un grand cinéaste, aux idées larges, et finalement se révéler être un piètre défenseur du cinéma, aux idées somme toute étroites », écrit David Barroux, rédacteur en chef aux Échos. Pour Judith Andrès, directrice exécutive de la chaire Media & Digital de l’ESSEC Business School, « le streaming n’est pas l’ennemi du cinéma ». Selon cette experte en propriété intellectuelle, « la coopétition (mélange de « coopération » et « compétition ») semble une meilleure tactique que la résistance obstinée, qui n’a jusqu’ici permis à aucun acteur historique de maintenir ses avantages face à la vague des nouveaux entrants ».

La ministre de la culture, qui veut « sortir du blocage », affirme quant à elle avoir commencé à rencontrer les acteurs du dossier afin de trouver un « équilibre entre le système de distribution des films en salle, qui doit être préservé, et une évolution des modes de consommation ».

Des rumeurs ont laissé entendre que Pedro Almodovar préparerait une série pour Netflix. Rumeur rapidement démenti par l’entourage du cinéaste. En attendant, la plateforme de streaming est toujours à la recherche de projets européens à financer, comme l’expliquait au Monde Ted Sarandos, responsable des contenus.

Cannes au cœur de l’innovation audiovisuelle

Quoi qu’il en soit, le Festival ne cesse de se réinventer. En 2016, Amazon s’invitait sur la Croisette avec la diffusion hors compétition de Café Society, film du très respecté Woody Allen, à qui le champion de la vente en ligne avait également commandé une série télé. Une façon de montrer au public, et aux investisseurs, ses ambitions dans l’audiovisuel.

Pour l’édition 2017, la Cinémathèque documentaire a été officiellement lancée par la nouvelle ministre de la Culture , Françoise Nyssen. Missions : « contribuer au recensement et à l’identification des œuvres, de favoriser leur circulation en procédant à des acquisitions communes, de faire connaître les différentes actions du réseau et, enfin, de contribuer au financement à la Bpi d’une programmation documentaire régulière. »

Mais le Festival de Cannes, ce n’est pas seulement un défilé de stars. C’est aussi un ensemble de métiers du cinéma (techniciens, scénariste, artisans…). Ainsi, plusieurs projets, soutenus par les entreprises partenaires, accompagnent aujourd’hui les acteurs de la culture dans la défense de leur travail. Le Groupe Audiens (groupe de protection social dédié aux métiers de la culture, de la communication et des médias), est très présent à Cannes. Lors de cette 70e édition, il a été partenaire de plusieurs prix dont celui de la meilleure création sonore, l’Œil d’or (prix du documentaire) et le Prix Vulcain de l’Artiste Technicien, qui récompense un technicien pour son travail de collaboration à la création d’une œuvre cinématographique.

La Société de gestion des droits d’auteur (Sacem), était également présente sur la Croisette afin d’accompagner les compositeurs des films sélectionnés par le Festival. En 2014, la Sacem avait conclu un accord avec Netflix. Une première à l’époque en France. Pour les membres de la société de gestion des droits d’auteur, ce contrat leur permet de recevoir une juste rémunération. Objectifs: anticiper l’arrivée sur le marché de nouveaux acteurs numériques.

Le leader de la CGT, Philippe Martinez, était également présent à Cannes dans le cadre de sa participation au 15e Festival « Visions Sociales », qui promeut le cinéma de qualité et d’auteur, organisé en marge du Festival de Cannes. Comme pour le Groupe Audiens et la Sacem, la présence du leader syndical est aussi une manière de venir saluer et soutenir les salariés du cinéma « qui contribuent à la réussite du Festival ».

Soixante-dix ans après sa création, le Festival évolue, pour mieux répondre aux enjeux économiques, sociaux et culturels que traverse le secteur, et la société plus généralement.

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